“I ké volé” de Laura Chatenay-Rivauday
Alix a quitté son île natale, la Martinique et sa culture musicale, pour étudier le chant lyrique à Paris. Sa voix rare de contre-ténor, sa couleur de peau, son khôl et ses ongles faits, il travaille avec acharnement pour réaliser son rêve de devenir artiste professionnel, et conserver sa singularité.
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"I call Tout-Monde our universe as it changes and endures through exchange, and at the same time, the 'vision' we have of it." Tout-Monde, Edouard Glissant.
The short film I ké volé (he will fly), a thirty-minute documentary by Laura Chatenay Rivauday, created as part of the Ateliers Varan, expands our vision of the many faces of Martinique and the Martinican people worldwide through discovery and surprise. Our ability to see the other who resembles us is limited by our lives, our routines interwoven with certainties and constraints. Here, in a tight, intimate frame, generally conveyed through close, tactile shots, Laura Chatenay Rivauday delivers a truly nuanced portrait of Alix, a countertenor singer—a portrait of a child of the island.
It is, above all, the portrait of a young man, a young Martinican fighting. Fighting against himself, his doubts, his exile; fighting against defeat and surrender. The rarity of Alix’s countertenor voice in classical opera reflects the singularity of this portrait. The narrative confronts our stereotypes, our preconceived self-images, and even more so, the current despairing view of our youth, too often framed by negative portrayals, fueled by daily tragedies. Here, advancing through fluid tracking shots, is a tall man with brown locks, tattoos, a love for reptiles, and varnished nails. Laura Chatenay Rivauday, with her previous documentary Origine Congo, had already accustomed us to an engaged, raw, inspired narrative, brimming with testimonies. In the uniquely nuanced continuity of this perspective, she crafts this new discovery.
The different sequences interlock to portray the dimensions of a human being. The meticulousness of this giant as he collects butterflies mirrors his struggle in the relentless pursuit of perfection in his voice. The camera also knows how to fade into the background in an intimate family moment, capturing authenticity—that truth so dear to Frédérick Wiseman, the documentary master, who refines in his films the art of searching for the genuine moment, the true instance. Perhaps the only criticism one might have of this work is that it does not last longer, to take us even deeper into the complexity of this man. Yes, our Martinican youth is strong, diverse, radiant, and surprising. “Patience and time...” as the poet of the Fables once said. So, courage and good luck, Alix...
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« Llamo a Todo-Mundo nuestro universo tal como cambia y perdura intercambiando y, al mismo tiempo, la "visión" que tenemos de él." Todo-Mundo, Edouard Glissant.
El cortometraje I ké volé (él volará), un documental de unos treinta minutos de Laura Chatenay Rivauday, realizado en el marco de los Talleres Varan, amplía nuestra visión de los múltiples rostros de Martinica y de su pueblo en el mundo a través del descubrimiento y la sorpresa. Nuestra capacidad para ver al otro que se nos parece está limitada por nuestras vidas, nuestras rutinas entrelazadas de certezas y restricciones. Aquí, en un encuadre cerrado, cercano, generalmente mostrado a través de planos medios íntimos, Laura Chatenay Rivauday nos ofrece un verdadero retrato lleno de matices variados: el de Alix, cantante contratenor, el retrato de un hijo de la isla.
Es, ante todo, el retrato de un joven, un joven martiniqueño en lucha. Una lucha contra sí mismo, contra sus dudas, su exilio; una lucha contra la derrota y la renuncia. La rareza de la voz de contratenor de Alix en la ópera clásica refleja la singularidad de este retrato. La narrativa confronta nuestros estereotipos, nuestra propia autoimagen cargada de prejuicios y, aún más, la visión desesperanzada actual de nuestra juventud, demasiado a menudo moldeada por narrativas negativas alimentadas por los dramas cotidianos. Aquí avanza, en travellings fluidos, un hombre alto, con rastas castañas, tatuado, amante de los reptiles y con las uñas pintadas. Laura Chatenay Rivauday ya nos había acostumbrado con su anterior documental Origen Congo a un discurso comprometido, crudo, inspirado, vibrante de testimonios. En la continuidad, pero con una perspectiva diferente, construye este nuevo descubrimiento con mucha sutileza.
Las diferentes secuencias se ensamblan para pintar las dimensiones de un ser humano. La meticulosidad de este gigante al coleccionar mariposas refleja su sufrimiento en el arduo trabajo por perfeccionar su voz. La cámara también sabe hacerse discreta en una secuencia de emoción familiar para captar una autenticidad, esa verdad tan apreciada por Frédérick Wiseman, maestro del documental, quien en sus películas desarrolla el arte de buscar el momento verdadero, el instante auténtico. Tal vez el único reproche que se le pueda hacer a esta obra sea que no dure más, para llevarnos más profundamente a la complejidad de este hombre. Sí, nuestra juventud martiniqueña es fuerte, múltiple, radiante, sorprendente. “Paciencia y tiempo...”, como decía el poeta de las Fábulas, así que ánimo y buena suerte, Alix…
« J'appelle Tout-Monde notre univers tel qu'il change et perdure en échangeant et, en même temps, la "vision" que nous en avons." Tout-Monde, Edouard Glissant.
Le court métrage, I ké volé, il s’envolera, documentaire d’une trentaine de minutes de Laura Chatenay Rivauday, réalisé dans le cadre des Ateliers Varan, grossit par la découverte et la surprise, notre vision des multiples visages de la Martinique, et du peuple martiniquais dans le monde. Notre capacité à voir l’autre qui nous ressemble est limité par nos vies, nos routines entremêlées de certitudes et de contraintes. Ici, dans un cadre serré, proche, généralement décliné par un plan taille charnel, Laura Chatenay Rivauday nous livre un véritable portrait tout en palettes variées, celui d’Alix, chanteur contre-ténor, le portrait d’un enfant du pays.
C’est avant tout le portrait d’un jeune homme, d’un jeune martiniquais en lutte. En lutte contre lui-même, avec ses doutes, son exil, en lutte contre la défaite et le renoncement. La rareté dans l’opéra classique de la voix de contre-ténor d’Alix est à l’image de la singularité de ce portrait. La narration affronte nos stéréotypes, notre propre image-préjugés de nous-mêmes et plus encore la vision désespérée actuelle de notre jeunesse, trop souvent transcrite par les retours négatifs, abreuvés des drames du quotidien. Ici s’avance dans des travellings fluides, un grand gaillard, aux locks brunes, tatoué, amateur de reptiles et aux ongles vernis. Laura Chatenay Rivauday nous avait habitué avec son précédent documentaire Origine Congo, à une parole engagée, brute, inspirée, vibrante de témoignages. Dans la continuité différente de cette perspective, c’est tout en nuance qu’elle construit cette nouvelle découverte. Les différentes séquences s’emboîtent pour peindre les dimensions d’un être humain. La minutie de ce géant lorsqu’il collectionne des papillons tandis qu’il souffre dans le travail acharné de perfection de sa voix. La caméra sait aussi se faire discrète dans une séquence d’émotion familiale pour capter une authenticité, cette vérité si chère à Frédérick Wiseman, maître du documentaire, qui développe dans ses films l’art de la recherche du moment vrai, du vrai moment. C’est peut-être aussi le seul reproche que l’on peut faire à cette oeuvre, de ne pas durer plus longtemps afin de nous conduire plus profondément dans la complexité de cet homme. Oui notre jeunesse martiniquaise est forte, multiple, rayonnante, surprenante. « Patience et longueur de temps…», comme disait le poète des Fables, alors courage, bonne chance Alix…
P.N